17 septembre 2013 vers 7 h 50(1)

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(1)Sauf précision contraire, les heures figurant dans ce rapport sont exprimées en heure locale.

RAPPORT (pdf)

ACCIDENT

Collision avec le relief par conditions météorologiques défavorables, en baptême de l'air payant

Aéronef

ULM multiaxe Courrier Rans S7 identifié 974-EQ

Date et heure

17 septembre 2013 vers 7 h 50(1)

Exploitant

Société

Lieu

Piton Mazerin (974)

Nature du vol

Aviation générale, vol local à titre onéreux

Personnes à bord

Pilote et passager

Conséquences et dommages

Pilote et passager décédés, ULM détruit

1 - DÉROULEMENT DU VOL

Le matin du 17 septembre 2013, deux personnes se présentent dans les locaux de la société pour effectuer un vol touristique au-dessus de l'île de la Réunion. Un premier pilote embarque avec l'un des deux passagers à bord de l'ULM 974-FG. Ils décollent de la plateforme ULM de Cambaie (974) vers 7 h 15 en direction du Piton de la Fournaise selon un circuit touristique standard établi par la société (voir carte ci-après). Le deuxième pilote décolle avec le second passager à bord de l'ULM 974-EQ vers 7 h30 pour suivre le même trajet.
Le pilote du premier ULM explique qu'il rencontre des turbulences et des rabattants à l'approche du col entre les cirques de Mafate et Salazie (Point 1 sur la carte) et décide de modifier le déroulement de son vol. Tandis qu'il se trouve aux environs du « Dimitile » (Point 10), les deux pilotes entrent en contact radio sur la fréquence 123,45 MHz. Le pilote du second ULM indique qu'il est aux environs du « Mazerin » (entre les points 2 et 3). Ils conviennent de se retrouver vers le volcan du Piton de la Fournaise (point 5). Le pilote du premier ULM atteint ce point mais ne parvient pas à contacter le pilote du 974-EQ. Il poursuit son vol et rentre à sa base. Environ vingt minutes après l'heure prévue de retour du pilote de l'ULM 974-EQ, sans nouvelle de ce dernier, l'alerte est déclenchée.
L'épave de l'ULM est retrouvée accrochée à flanc de paroi à environ 60 mètres sous la ligne de crête, à proximité du piton du « Mazerin » (point 3), à une altitude de
6 650 ft environ.

Les enquêtes du BEA ont pour unique objectif l'amélioration de la sécurité aérienne et ne visent nullement à la détermination de fautes ou responsabilités.

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Figure 1 : trajectoires des ULM, points caractéristiques et circuit prévu

2 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

RAPPORT

ACCIDENT

2.1 Examen du site et de l'épave

Les examens du site et de l'épave indiquent que l'ULM a probablement accroché la végétation avec l'aile gauche avant de heurter la paroi rocheuse. Les diverses déformations et ruptures de la cellule indiquent une forte énergie lors de l'impact. Ces examens indiquent que le moteur délivrait de la puissance.

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Figure 2 : site de l'accident

2.2 Conditions météorologiques

Le vent en provenance de l'est générait des rabattants et de fortes turbulences dans les basses couches sur les versants ouest des cirques de Mafate et de Salazie.
Des pilotes en vol dans le secteur de l'accident indiquent qu'une couche nuageuse de stratus d'environ 1 500 ft s'étendait du plateau du Mazerin jusqu'au « Coteau Kervéguen » (point 12) englobant le Piton Mazerin et débordant sur une partie de la forêt de Belouve.

2.3 Renseignements sur l'ULM

L'ULM n'était pas équipé d'un horizon artificiel, d'un conservateur de cap, d'un compas magnétique. La règlementation ne l'exige pas.
Il n'était également pas équipé de doubles commandes permettant un vol d'instruction.

2.4 Renseignements sur le pilote

Le pilote, âgé de 35 ans, breveté pilote ULM pendulaire en septembre 2003, avait obtenu en 2008 la qualification ULM Multiaxe et l'autorisation d'emport de passager. Il ne détenait pas de qualification d'instructeur sur ULM.
Le pilote ne détenait pas de carnet de vol. La réglementation ne l'exige pas pour les ULM. Il n'a donc pas été possible d'établir précisément l'expérience du pilote, néanmoins, les témoignages recueillis font état d'environ 4 à 5 000 heures de vol. Il travaillait pour la société depuis 2001 en tant que mécanicien puis ensuite comme pilote.

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(2)Article R330-1 du Code de l'aviation civile.

2.5 Organisation

La société dispose d'un Manuel d'Activités Particulières (MAP) qui couvre les activités de tractage de banderoles, de parachutisme et de photographie aérienne.
La société dispense également des formations de pilote ULM.
Les activités de vols touristiques et de vols d'instruction au pilotage ne sont pas couvertes par le MAP.
Les vols à caractère touristique établis par la société comportent des points de passage définis (Voir carte et cheminement §1). Aucune consigne écrite ne couvre cette activité. Les passagers sont considérés par la société comme élèves dans le cadre d'un vol d'instruction au pilotage.
Des membres de la société ont indiqué qu'après le « Trou de Fer » (point 2), il est nécessaire de prendre de l'altitude afin de franchir le « Mazerin » (point 3). Le cheminement prévu s'écarte vers l'ouest (point 11) afin d'atteindre une altitude permettant le franchissement du « Mazerin ».

2.6 Réglementation

Les sociétés effectuant des vols avec des passagers payants doivent être titulaires d'un Certificat de Transporteur Aérien (CTA). Néanmoins, la réglementation ne l'exige pas dans le cas de vols locaux à titre onéreux effectués en ULM(2).
Dans ce contexte, le vol local est défini comme suit :

ˆ vol sans escale ;

ˆ points de départ et d'arrivée identiques ;

ˆ moins de trente minutes entre le décollage et l'atterrissage sauf pour les ULM ;

ˆ éloignement maximal du point de départ inférieur à quarante kilomètres.

2.7 Nature du vol

Les documents renseignés par les passagers indiquent qu'il s'agissait d'un « vol d'initiation rémunéré en ULM » dans le cadre de l'activité d'une école de pilotage ULM. Les noms des instructeurs mentionnés sur ces documents ne sont cependant pas ceux des deux pilotes ayant réalisé les vols.

2.8 Renseignements complémentaires

Le passager de l'ULM accidenté utilisait un appareil photo. L'analyse des clichés extraits montre que jusqu'au « trou de fer » (point 2), le vol se déroule en conditions VMC. A mesure que l'ULM approche de la forêt de Belouve (entre les points 2 et 3), la visibilité devient « brumeuse ». L'une des photos montre qu'une couche soudée et épaisse de nuages couvre le plateau du Mazerin, déborde sur la forêt de Belouve et masque le relief. Les photos suivantes confirment que le pilote évolue entre les nuages au-dessus du plateau de Belouve avec une route sensiblement en direction du « Mazerin ». Le sol est visible par endroit sur certaines photos, néanmoins l'ULM se situe le plus souvent entre la base et le sommet de la couche nuageuse.
Plusieurs enregistrements vidéo ont été mis en ligne par des passagers ayant effectué des vols touristiques au sein de la société. Ces films montrent des survols à très faible hauteur par rapport au relief ainsi que des passages en IMC.

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2.9 Historique

Depuis 2003, onze accidents ou incidents concernant la société Felix ULM ont été notifiés au BEA. Lors de la collision en vol entre deux ULM de cette société le
25 avril 2013, le BEA avait alerté la DSAC sur l'absence de réglementation concernant le transport de passagers à titre onéreux en ULM.
Depuis janvier 2012, la DSAC conduit une réflexion sur les vols locaux avec transport de passagers à titre onéreux en avion ou en ULM. Cette réflexion fait suite à une série de sept accidents survenus en 2011 (trois en avion et quatre en ULM) ayant fait deux morts et quatre blessés graves.

3 - ENSEIGNEMENTS ET CONCLUSION

3.1 Contexte du vol

Selon les documents renseignés par les passagers, le vol avait été déclaré comme vol d'instruction alors que l'aéronef n'était pas équipé de doubles commandes et que le pilote n'était pas instructeur. L'enquête a montré que ce procédé était courant dans la société. Il permettait de s'affranchir des contraintes réglementaires liées aux vols touristiques s'éloignant de plus de 40 km de la base de départ et nécessitant un CTA. En contournant la réglementation, la société pouvait ainsi proposer à moindre coût le survol de sites touristiques emblématiques de l'île, tels que le piton de la Fournaise.

3.2 Décision de poursuivre le vol

Le pilote avait une expérience importante et probablement une très grande connaissance de la géographie de l'île. Il est possible que son expérience et sa connaissance des lieux aient généré un excès de confiance sur sa capacité à poursuivre le vol et l'aient incité à suivre le trajet initialement prévu malgré la dégradation des conditions météorologiques sur le cheminement prévu.
Après le « Trou de Fer » (point 2), il est nécessaire de s'écarter vers l'ouest afin de prendre de l'altitude et de franchir le « Mazerin » (point 3). Les photos montrent que le pilote n'a pas suivi cette route. En l'absence de témoignage, l'enquête n'a pas permis d'expliquer la trajectoire suivie par le pilote ni ses intentions.
L'enquête n'a pas permis de déterminer si le pilote avait l'habitude de voler temporairement en IMC ou à faible hauteur. Ce type de pratique, lorsqu'il est toléré dans une société, peut contribuer à l'instauration d'une culture de sécurité fragile.

3.3 Causes

L'accident est dû à la décision du pilote de poursuivre le vol dans des conditions météorologiques défavorables. La connaissance des lieux et l'expérience importante du pilote ont pu l'inciter à prendre cette décision.
L'absence de réglementation spécifique aux vols locaux à titre onéreux en ULM et les pratiques observées au sein de la société ont conduit à l'instauration de dérives ayant contribué à l'accident.

Les enquêtes du BEA ont pour unique objectif l'amélioration de la sécurité aérienne et ne visent nullement à la détermination de fautes ou responsabilités.

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